Il est le président du MOJU: Jean-Louis Crétin à cœur ouvert

Un catholique delémontain exilé à Tramelan, un ancien employé postal reconverti en animateur pastoral pour suivre l’appel de sa vocation religieuse, un pigeon voyageur ayant parcouru le monde durant de longues périodes pour étancher sa soif d’aventure, de découvertes et de justice sociale, un quinquagénaire père de deux garçonnets, le mari d’une vétérinaire, un guitariste à ses heures perdues, un passionné de foot formé aux SRD, puis passé par Vicques, Courtételle et Movelier, comme joueur puis entraîneur: il n’y a pas à dire, le profil de l’éclectique Jean-Louis Crétin, président des juniors du FCTT depuis janvier 2021, sort des sentiers battus. A quelques mois de son retrait, il était temps de s’approcher de ce touche-à-tout à la fibre humaniste très développée et à la trajectoire peu banale. Pour faire plus ample connaissance…

Jean-Louis Crétin, question de béotien pour commencer cet entretien: en quoi consiste exactement le job de président du mouvement juniors (MOJU) du FCTT. Et est-ce une activité chronophage?

On peut parler d’un engagement important, oui, dont l’intensité varie toutefois au gré des mois et des saisons. C’est avant tout une affaire de management. Il faut gérer toutes les équipes du MOJU, à l’exception des juniors A, lesquels forment une entité à part, placée dans le giron des actifs. J’entends par là, gérer le planning des entraînements, les problèmes qui peuvent surgir entre les entraîneurs, les relations parfois conflictuelles avec les joueurs et leurs parents. Etre aussi un soutien pour les bénévoles, sans le dévouement desquels rien ne pourrait fonctionner, et un lien avec les responsables des terrains. Mais je dois dire que le plus difficile, le plus prenant, c’est d’essayer de dénicher des entraîneurs et des assistants, des gens de qualité qui se sentent bien à leur place et qui adhèrent à la philosophie du club. Cela dit, si le président de la section juniors se doit d’avoir une vision globale, il ne peut avoir prise sur tout.

Les formalités administratives, par exemple, ne relèvent pas de ton cahier des charges…

En effet. Au sein du MOJU, toutes les questions de qualification des joueurs et de transferts sont l’apanage de notre team-coach Patrizia Racine.

Pourquoi, à l’origine, avoir accepté cette mission?

J’étais arrivé à une période de ma vie où je ressentais l’envie de relever un nouveau défi, de me lancer dans un projet complètement inédit. J’éprouvais aussi le besoin de rendre quelque chose au monde du foot, par gratitude envers les clubs qui m’ont tellement donné. C’est pourquoi j’ai dit oui à la proposition du président Loïc Châtelain. Je ne le regrette pas. J’aurai vécu deux ans et demi enrichissants à la tête du MOJU.

Tu as pourtant décidé de te démettre de ton mandat en juin prochain, une annonce faite au comité dès le mois d’octobre dernier. Pour quelles raisons, cette démission?

Elles sont multiples. D’ordre professionnel, en raison du nouveau statut qui me sera dévolu prochainement. D’ordre familial, lié au changement d’orientation professionnelle de ma femme. D’ordre personnel, enfin.

C’est-à-dire?

Il ne faut pas s’en cacher, je ressens une fatigue psychologique due à l’important investissement qu’implique l’accomplissement de cette tâche. Alors je préfère m’en aller avant d’arriver au clash. Mais je tiens à bien finir mon engagement. Comme je suis du genre bileux, j’aime avoir la maîtrise des choses. Or là, à ce poste, j’en ai peu, et cette situation pompe de l’énergie. Prenons un exemple: les exigences de mon métier d’animateur pastoral m’empêchent souvent de suivre des matches le samedi et le dimanche, autrement dit, de sentir battre au plus près le pouls des acteurs du MOJU. Pour me remplacer dans ce domaine-là, j’ai été obligé de me reposer sur le bon vouloir d’Ilario Roberto, Laurent Möri et Thierry Chappatte, le trio de coordinateurs qui veille au déroulement sans anicroche des activités des différentes classes d’âge.

Apparemment, le problème de ta succession est déjà résolu…

Oui, c’est un binôme formé de Besnik Shabani et Jonny Martello qui s’apprête à reprendre le flambeau. Il a d’ailleurs pris les devants, puisqu’il s’attelle déjà depuis un certain temps aux préparatifs de la saison 2023/24. Ces deux messieurs vont bien se compléter. Une direction bicéphale, c’est peut-être la solution idoine pour chapeauter un MOJU de cette taille.

Toi, le natif de Delémont, es venu t’installer à Tramelan en 2012. Au début, ce fut pour toi presque un choc des cultures. Or, 11 ans plus tard, tu n’as pas bougé…

C’est vrai que, à mon arrivée, je me suis parfois demandé où je mettais les pieds. Ici, tout le monde a son sobriquet et s’interpelle de cette façon-là. Cela m’a un peu désorienté. Au fil du temps, je m’y suis habitué. Le fait d’avoir adhéré au FCTT, d’abord comme joueur chez les seniors, puis comme coach de l’équipe des migrants, puis au sein du comité, m’a aidé. Rien de mieux que le foot dans un village pour s’intégrer, pour nouer des relations humaines, j’en suis convaincu!

Pourquoi t’es-tu pareillement investi?

Parce que ce club familial par excellence suit un fil rouge qui rejoint mes valeurs profondes, comme c’était le cas lorsque je jouais à Vicques, un club toutefois plus petit. Au FCTT, tout le monde tire à la même corde, les joueurs ne sont pas rémunérés, l’accent est mis sur la formation, sur les juniors. La récompense suprême de ceux qui paient de leur personne pour diriger tout ça, c’est de voir ces jeunes qui s’épanouissent.

Tu t’appuies sur un parcours professionnel peu banal…

J’ai travaillé au service de la Poste pendant près de 20 ans, surtout comme facteur. Ce métier me plaisait beaucoup, il me permettait d’entretenir de nombreux contacts. Sauf que, dès le départ, je m’étais dit que je ne ferais pas ça durant toute mon existence, que la vie avait sûrement autre chose aussi à me proposer. A la fin, l’évolution du monde postal m’a aidé à changer d’orientation. Aujourd’hui, les facteurs ne sont plus que des numéros trop contrôlés. Il faut voir aussi le bon côté des choses. Durant cette vingtaine d’années, j’ai eu la chance qu’on m’accorde de longs congés sabbatiques pour parcourir le monde.

Voyager où, précisément?

Mon chemin m’a conduit notamment au Cameroun, en Israël, au Pérou durant un an, au cours duquel j’ai vécu à Cusco en compagnie des enfants de la rue, en Russie pendant trois mois, au contact des SDF de Saint-Pétersbourg. Ma fibre sociale me poussait à donner de mon temps à des personnes qui en avaient besoin. Mais en fin de compte, dans ce genre de situations, tu reçois davantage que tu ne donnes. Tu fais plein de rencontres intéressantes, c’est inestimable. Partout où je suis passé, j’ai pu tisser des liens avec les indigènes en jouant au foot avec eux. Comme chacun sait, ce sport est universel. Où que tu sois, tu prends un ballon, tu poses quatre pierres en guise de buts, tu joues!

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«Le foot, c’est ce qui m’a sauvé»

Originaire de Soulce, Jean-Louis Crétin voit le jour le 4 septembre 1970 à Delémont, où il passe son enfance et son adolescence. Et où il accomplit son apprentissage de postier, un métier qu’il exercera plus tard également à Bienne et à Zurich, au sein de différents services. Après une vingtaine d’années de fidélité au géant jaune, il décide de suivre ses convictions religieuses. Il change radicalement d’orientation et devient animateur pastoral dans la Tramata, les paroisses catholiques de Tramelan, Malleray-Bévilard et Tavannes. D’où son déménagement, en 2011, dans la cité de Virgile Rossel.

Marié à Christine Steiner, une vétérinaire d’origine neuchâteloise, il est père de deux petits garçons, Jean (6 ans) et Martin (4). Ceux-ci portent le nom de famille de leur maman, le patronyme de «Crétin» étant, on s’en doute, sujet à des moqueries pas toujours bien senties. «Comme les Jolissaint ou les Cattin», sourit-il. «Avec ma femme, nous n’avons pas voulu leur faire porter ce fardeau. En revanche, moi, j’ai conservé mon nom. Quand j’étais gosse, j’ai entendu bon nombre de remarques désobligeantes à ce sujet. Mais il y a longtemps qu’elles ne me vexent plus.»

Passionné de foot, Jean-Louis Crétin fourbit toutes ses armes de junior aux SR Delémont. A l’âge de passer en actif, les portes de la première équipe se ferment à lui. «Mes qualités intrinsèques ne dépassaient pas la norme. En revanche, physiquement, j’étais pas trop mal. J’étais rapide et capable de courir comme un dératé. Il se trouve par ailleurs que, en tant que facteur, j’avais des horaires irréguliers, qui m’obligeaient à bosser très tôt le matin ou tard le soir. Ce n’étaient pas des conditions idéales pour percer dans le monde du foot», souligne-t-il. «Un temps, devenir pro était une perspective qui m’avait titillé, bien sûr. Mais je me suis vite aperçu que le monde ne tournait pas qu’autour du ballon rond.»

Le président du MOJU du FCTT restera donc un adepte du foot des talus. Il jouera à Vicques, en alternance en 2e et en 3e ligue, puis, à l’appel de son frère Pascal, au FC Courtételle, en 2e ligue, avant de revenir à Vicques et de terminer sa carrière – toujours au poste de milieu de terrain – à Movelier, comme joueur, puis entraîneur-joueur. «Entraîneur, je l’étais déjà plus tôt, dans des équipes de juniors», précise-t-il. «Plus tard, au FCTT, je me suis occupé aussi de l’équipe des migrants.»

Au moment de conclure cet entretien, Jean-Louis Crétin lâche cet aveu: «A une certaine période de ma jeunesse, j’aurais pu tomber dans des addictions. Le foot, l’esprit d’équipe, c’est ce qui m’a formé et sauvé»…

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