«L’ambiance d’une équipe est tributaire des résultats, pas l’inverse»

Philippe Rossinelli se veut serein au moment d'entamer la compétition officielle. (Photo Alain Boillat)

Au FCTT, l’ère Philippe Rossinelli commence officiellement en cette fin de semaine… en pays fribourgeois, à Romont plus précisément. Nommé en remplacement du monument Steve Langel, qui a renoncé à embrasser le huitième mandat qui lui était promis après avoir perdu l’adhésion d’une partie du vestiaire en fin de saison dernière, le technicien delémontain de 69 ans s’apprête à emmener une escouade plus juvénile que jamais dans une aventure qui pourrait, pourquoi pas, s’annoncer exaltante. Une fois n’est pas coutume, le mercato estival du FCTT a été très agité (cf liste ci-dessous). De quel bois cette équipe new look sera-t-elle capable de se chauffer? On en parle à bâtons rompus avec le nouvel entraîneur…

Philippe, à l’enseigne des éliminatoires de la Coupe de Suisse, la saison 2023/24 prend son envol ce samedi 12 août à Romont (coup d’envoi à 17h). Faut-il voir dans le premier de trois épisodes possibles dans cette compétition davantage qu’un simple dernier test avant la reprise du championnat, une semaine plus tard?

Bien entendu. Ce match contre un adversaire redoutable revêt autant d’importance à mes yeux que notre premier rendez-vous en championnat. Nous aurons la chance de l’aborder avec une équipe presque au complet. Du coup, nous allons essayer d’obtenir un résultat, ne serait-ce que pour renforcer le climat de confiance qui nous habite déjà, actuellement.

Malgré ta longue expérience, as-tu encore la boule au ventre au moment de la reprise de la compétition?

Pas la boule au ventre, ça non. Mais je ressens un certain stress. On connaît la musique: si un coach commence mal, ses méthodes sont vites remises en question. Par les joueurs, par les dirigeants, par le public. Là, en l’occurrence, il se trouve que j’ai introduit un changement tactique de taille (réd: passage à une défense à trois et alignement de cinq hommes en ligne médiane) qui pourrait provoquer des débats critiques s’il n’est pas rapidement assimilé. Or, en raison des absences liées aux vacances, nous avons eu peu de sessions d’entraînement communes jusqu’ici pour exercer tout ça.

Le système de jeu que tu prônes, c’est le 3-5-2. Quel avantage tu y vois essentiellement?

En fait, lorsque tu es dominé par ton adversaire, tu as l’avantage de défendre à cinq, les deux demis de couloir étant appelés à reculer pour prêter main forte aux trois arrières. En revanche, lorsque tu passes à l’attaque, les deux «pistons» en question doivent se muer en ailiers de débordement. Bon, c’est vrai, pour eux, ces va-et-vient continuels sont très éprouvants. C’est pourquoi il convient d’en avoir quatre sous la main, de ces «pistons», pour permettre de les interchanger en cours de seconde mi-temps. Je vois dans cette façon de procéder la possibilité de déployer de meilleurs arguments offensifs, d’amener davantage de folie dans nos actions.

En parallèle, tu as choisi de recycler le patron de l’équipe, l’habituel demi défensif Wayan Ducommun – promu par ailleurs nouveau capitaine en lieu et place de Sergio Cunha –, en défenseur central. N’est-ce pas trop risqué de sacrifier ainsi un joueur-clé en ligne médiane?

Je ne le pense pas. En défense centrale, j’ai besoin d’un leader qui excelle tant dans les duels que dans le jeu de tête. Wayan répond à ce profil. Et nous avons assez d’alternatives pour le remplacer au milieu. Maintenant, si les choses devaient mal se passer, il serait toujours possible de changer notre fusil d’épaule en cours de match, de remettre Wayan au milieu et de revenir au bon vieux 4-4-2. Ça, les joueurs savent faire.

Le FCTT disputera ensuite ses deux premières rencontres de championnat à Tramelan, le samedi 19 août contre Pratteln et le samedi 26 août face à Erguël. Un avantage?

Compte tenu de la jeunesse de l’effectif, il serait capital de mettre rapidement un maximum de points au chaud, afin de ne pas ébranler les certitudes des joueurs et de maintenir intact leur excellent état d’esprit. N’oublions jamais cette vérité: l’ambiance d’une équipe est tributaire des résultats, pas l’inverse. Donc, pour répondre à la question, ce serait un avantage de jouer à deux reprises à domicile pour commencer… à condition d’en profiter pour l’emporter les deux fois. Le cas échéant, je suis persuadé que nous serions en mesure, par la suite, de mettre en difficulté bien des adversaires.

Depuis son accession à la 2e ligue inter, le FCTT joue la carte du régionalisme et de la jeunesse à outrance, mais là, c’est encore plus marqué que d’habitude. Le pari n’est-il pas trop audacieux?

Il n’y a pas de crainte particulière à nourrir à mon avis. Au contraire, je suis plutôt serein. D’une part, plusieurs de nos jeunes joueurs ont déjà acquis de la bouteille. Et de l’autre, le groupe est sain. Il fait preuve d’une belle assiduité à l’entraînement. Une fois que tout le monde se sera acclimaté à notre nouveau système de jeu et à l’impact physique qu’on doit affronter à ce niveau, les résultats devraient suivre. A condition aussi que nos ténors demeurent épargnés par les blessures.

Sauras-tu te montrer patient si les résultats ne suivent pas au début?

Dans ce cas de figure, il appartiendrait surtout aux dirigeants du club de se montrer patients… Pour ma part, je ne vois pas pourquoi les choses tourneraient mal.

Un mot sur les dirigeants, justement?

Le FCTT peut compter sur un comité et un staff technique composés de membres hyper dévoués. Tout est clair, efficace, bien organisé. Le président Loïc Châtelain, par exemple, préside et délègue. Autrement dit, il laisse les coudées franches dans son domaine à son directeur sportif Blaise Ducommun. L’état d’esprit positif perçu en haut lieu se transmet. On sent que les joueurs ont l’âme du club, qu’ils sont motivés à l’idée de représenter la région du Jura bernois et des Franches-Montagnes. En résumé, j’ai la chance de pouvoir oeuvrer dans un climat très agréable.

Quelles sont les principales caractéristiques de l’équipe, ses forces, ses faiblesses?

Ce qui frappe tout d’abord, c’est que les joueurs manifestent un grand enthousiasme. Ils font du foot une priorité, c’est rare. Il faudra tout faire pour conserver cet état d’esprit, même si d’aventure nous devions rater l’entame du championnat. Mais attention, ils ne sont pas qu’enthousiastes, ils savent aussi jouer au foot. Je dirais par ailleurs que le club a réalisé d’intéressants transferts, se dotant notamment en Marc Bächler d’un centre-avant athlétique et fin technicien en qui on pourra se fier. Enfin, nous pouvons compter sur deux gardiens (réd: Jomé Isler et Yoann Bangerter) dignes l’un et l’autre de la 2e ligue inter. La principale faiblesse de l’équipe? Ce pourrait être son manque d’expérience. Les jeunes doivent encore apprendre à mieux gérer certaines situations. Par exemple à ne pas trop se dégarnir au milieu pour éviter de s’exposer à la fulgurance des contres adverses. Ces attitudes-là s’acquièrent seulement par la pratique, pas par la théorie.

Et le problème de la concurrence, comment comptes-tu l’appréhender?

Il faut savoir qu’un tiers environ de notre effectif est encore en âge d’évoluer en juniors A. Au début, les plus jeunes devront se montrer patients. Pour l’heure, ils ne sont pas mûrs pour devenir titulaires, ils doivent encore apprendre. Disputer l’intégralité d’un match de juniors A leur sera plus profitable que d’apparaître 10 minutes en 1re équipe. Pour le reste, je procéderai à des tournus pour éviter toute frustration.

Au moment de ton engagement au FCTT, tu avais vanté l’impact physique de l’équipe et parlé de la touche personnelle que tu comptais amener. Tu peux développer?

Steve Langel, mon prédécesseur en poste pendant sept ans, connaissait l’équipe beaucoup mieux que moi. Il prônait un système qui correspondait bien au potentiel des joueurs et qui plaçait le bloc assez bas dans le terrain. L’ennui, quand on est souvent replié dans son camp, c’est qu’on a tendance à commettre davantage de fautes et qu’on récolte une tapée de cartons jaunes. Pour ma part, je n’ai pas trop envie de pratiquer ce genre de foot. Mon souhait est donc de jouer plus haut, de pratiquer un pressing offensif plus prononcé. Cela dit, je ne suis pas naïf. Je sais que je devrai me montrer flexible et composer en fonction du matériel que j’ai sous la main.

Des objectifs précis ont-ils été fixés au FCTT pour cette saison 2023/24 qui, comme sa devancière, condamnera à la relégation en 2e ligue les quatre derniers de chacun des quatre groupes, plus les deux plus mauvais cinquièmes avant-derniers?

Le comité est ambitieux, il évoque une place dans le premier tiers du classement. Moi, je suis un peu plus prudent pour l’instant, déjà parce que nous avons à remplacer plusieurs joueurs chevronnés (réd: Sergio Cunha, Steven Habegger, Loïc Dubois, David Neto, Denis Hrnjic). Alors je serais content si nous n’avions pas à devoir lutter contre la relégation. Mais j’ai confiance en l’équipe. Si elle parvient à tirer son épingle du jeu cette saison, alors ce sera très prometteur pour l’exercice suivant.

Le 6 septembre, un autre pion important de l’équipe, Thomas Girardi, va partir pour un séjour linguistique de six mois à Séville. Est-ce que tu vas encore l’employer jusque-là?

Cela tombe sous le sens. Il serait ridicule de se passer de ce battant, qui excelle dans les duels et qui figure parmi les cinq meilleurs joueurs de l’équipe. Et j’espère que nous pourrons compter sur lui à son retour, pour le second tour.

——————————

Le mercato estival du FCTT

Arrivées: Jomé Isler (Erguël), Marc Bächler (Aurore), Noé Bandi (Aurore), Néhémie Daniel (La Chaux-de-Fonds), Loïc Aeschlimann (Aurore), Vincent Ekoman (requalification), Noé Florido (juniors A), Steven Sollberger (juniors A), Sacha Marques (juniors A), Luca Curty (juniors A), Damien Brunner (juniors A) et Gian Gerber (2e équipe).

Départs: Maël Zaugg (Delémont), David Neto (Bassecourt), Denis Hrnjic (Besa), Naftaly Fernando (Bassecourt), Thomas Girardi (Espagne, dès le 6 septembre), Florian Devoille (2e équipe), Sergio Cunha (2e équipe), Steven Habegger (2e équipe) et Loïc Dubois (2e équipe).

Le staff technique

Entraîneurs: Philippe Rossinelli, coach principal (nouveau, remplace Steve Langel), Jean-Charles Leanza, assistant (nouveau, remplace Kevin Studer), Yannick Langel, assistant (ancien) et Anthony Geiser (gardiens, ancien). Directeur sportif: Blaise Ducommun (ancien). Team-manager: Benjamin Mercier (ancien). Masseuse: Cécile Sifringer (ancienne).

—————————————–

Philippe Rossinelli en quelques traits

On peut être passionné de foot d’entre les passionnés de foot et avoir débuté sa carrière dans une autre discipline sportive. C’est le cas de Philippe Rossinelli. «Je n’ai fait mes débuts dans une équipe qu’à l’âge de 12 ans. Je m’étais alors engagé dans les juniors de Develier, sur l’insistance de quelques bons copains», indique l’instituteur à la retraite, qui a résidé durant toute sa vie dans la capitale du Jura. «Auparavant, j’avais pratiqué le judo. Avec un certain talent, puisque j’ai même décroché un titre national chez les juniors.»

Par la suite, le nouvel entraîneur du FCTT portera le maillot de Delémont, Courtételle, Moutier et Courroux, au poste d’arrière latéral ou de demi défensif. «Sous le maillot delémontain, j’ai disputé une demi-finale de Coupe de Suisse et pris part à sept finales de 1re ligue sans jamais connaître la promotion. C’était désespérant!», s’exclame-t-il. «Mais curieusement, plus tard, quand je suis devenu entraîneur de cette équipe, nous sommes montés du premier coup…»

Philippe Rossinelli est devenu entraîneur (-joueur) à 29 ans. Il roulera sa bosse à Courtételle, Delémont (trois fois), Bassecourt, Moutier (deux fois), Laufon (deux fois) et Courroux. Il a même vécu une expérience à la tête des M15 du Team Jura. Riche carrière, on le voit. La saison dernière, il avait varié un peu les plaisirs en s’engageant comme directeur technique au FC Ajoie-Monterri, expérience qui n’aura duré qu’un an.

Malgré ses 69 ans – il est né le 2 novembre 1953 –, Philippe Rossinelli se dit encore motivé comme un jeune premier. «L’âge, c’est dans la tête», lance-t-il. «Tout est question d’envie et de passion. Je connais des mecs de 45 ans qui sont déjà vieux. Moi, je tiens à rester actif. A la retraite, si tu n’as plus de projet, plus d’envie, tu es mort.»

Marié en secondes noces à une Ivoirienne dont il a aidé à élever les deux enfants, le successeur de Steve Langel est père de quatre enfants adultes issus d’un premier mariage. Pour compléter le tableau familial, on précisera qu’il adore les bouviers bernois, au point d’en avoir fait, un temps, l’élevage sur sa terrasse à Delémont. Aujourd’hui, il lui en reste un, Bastos, un mâle d’un an «affectueux comme tout» qui occupe une part importante de son quotidien.

Partagez ce post

D'autres articles à lire

Merci d'avoir lu notre article